Peut-on enfermer des enfants en centre de rétention administrative ?

La réponse est oui mais sous certaines conditions. D’abord, le droit de l’Union européenne et le droit français n’interdisent pas le placement des enfants en centre de rétention administrative. Ces centres sont des lieux fermés qui retiennent les étrangers en situation irrégulière en attendant leur éloignement. Les enfants concernés par cet enfermement sont ceux qui accompagnent leurs parents ou leur famille.

En 2018, des associations d’aide aux migrants ont constaté une augmentation depuis 2013 des enfants retenus. Le nombre de ces enfants est passé de 172 en 2016 à 304 en 2017. Si le placement en rétention des enfants est possible, il est toutefois encadré par des conditions qui doivent respecter l’intérêt supérieur des enfants.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné deux fois la France à ce sujet, en 2012 et 2016. En 2012, elle avait été saisie par une famille enfermée 15 jours dans le centre de Rouen avec un enfant et un bébé. La Cour a estimé que les conditions inadaptées de rétention, notamment la durée, peuvent caractériser un traitement inhumain et dégradant. En 2016, la Cour a rappelé que même si les parents sont présents avec les enfants, l’État reste obligé d’assurer une protection adaptée et que la qualité d’enfant doit l’emporter sur celle d’étranger en situation irrégulière.

La loi française a été modifiée en 2016 pour se conformer à ces obligations en obligeant les centres de rétention, pour être habilités à recevoir des familles, à comprendre des « lieux d’hébergement séparés, spécialement adaptés, comportant une pièce de détente et dotés notamment de matériel de puériculture ».  Il existe aujourd’hui 11 centres habilités sur une trentaine. Pourtant, l’enfermement des enfants reste une question sensible. Le défenseur des droits a souligné en février 2018 que « la détention, même de courte durée, laisse les enfants anxieux, déprimés et avec des difficultés de sommeil ». En juin 2018, le contrôleur général des lieux de privation de liberté préconise de son côté l’interdiction pure et simple de l’enfermement des enfants dans les centres.

Afin d’éviter la rétention des enfants, la solution alternative est l’assignation à résidence, ce qui avait d’ailleurs été mis en avant par le ministre de l’Intérieur, après la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2012. Cela signifie que les familles doivent rester dans leurs logements ou dans des hôtels à défaut de logement

Selon le rapport des associations d’aide aux migrants, la rétention reste cependant une pratique fréquente.

Pour aller plus loin

CEDH, Popov c/ France, 19 janvier 2012, 39472/07
CEDH, A.M. et autres c/ France, 12 juillet 2016, 24587/12
Paul Klötgen, Présence de mineurs en centre de rétention : les conditions posées par la Cour européenne des droits de l’homme,Revue critique de droit international privé, 2017, p. 226.

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=17220

http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2018/06/joe_20180614_0135_0057.pdf

https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2018/07/La_Cimade_Rapport_Retention_2017.pdf