Dès lors qu’il est question d’asile on entend souvent parler du « Règlement Dublin ». Souvent source de tracas pour les demandeurs d’asile, ce fameux « règlement Dublin » est aussi source d’incompréhension dans le débat public. Maître Emmanuelle Néraudau, Docteur en droit et avocate au Barreau de Nantes, nous livre les clés de compréhension d’un système complexe et contesté dont l’objectif est de déterminer lequel des Etats européens est responsable de l’examen d’une demande d’asile.
Le Règlement Dublin est un texte qui s’applique à tous les Etats européens. Lorsque ces Etats ont décidé de créer un espace où l’on circule librement, sans contrôle aux frontières intérieures, ils ont aussi adopté des règles portant sur la circulation des demandeurs d’asile dans l’espace commun, l’espace Schengen.
Le principe est qu’un seul Etat soit responsable de l’examen d’une demande d’asile si le demandeur circule ou se déplace d’un Etat vers un autre.
L’objectif du texte était louable : permettre un accès rapide à une procédure d’asile, déterminer un Etat en charge de cet examen et éviter les demandes d’asile multiples.
Il faut préciser que les Etats européens doivent enregistrer dans une base de données commune, une base qui s’appelle EURODAC, les empreintes du migrant qui entre irrégulièrement dans l’espace Schengen ou qui y dépose une demande d’asile.
Le Règlement Dublin pose une série de critères hiérarchiques pour déterminer cet Etat responsable de la demande d’asile présentée. Après un critère de minorité et de présence de membres de famille nucléaire dans un autre Etat, l’Etat responsable sera celui qui a pris part dans l’entrée en Europe du demandeur d’asile que cette entrée soit régulière ou non.
Le critère d’ailleurs le plus utilisé est celui du pays d’entrée dans l’Espace Schengen. A l’inverse si aucun des critères n’est repli, le pays responsable est celui où la demande d’asile a été déposée pour la première fois.
En pratique, lorsqu’un demandeur d’asile se déplace d’un Etat vers une autre, prenons l’exemple de l’Italie vers la France, les autorités françaises consultent la base EURODAC, retrouvent les empreintes enregistrées et ouvrent une procédure Dublin. Cette procédure est menée en France par les préfectures qui, après un entretien individuel avec le demandeur d’asile, échangent avec les autorités italiennes. Après un délai de réponse, que l’Italie réponde expressément ou non, une décision de transfert vers l’Italie est prise sous le contrôle du juge national.
Le texte prévoit quelques dérogations à cette stricte application des critères :
– une clause humanitaire ;
– une clause de suspension en cas de défaillance du système d’asile du pays responsable ;
– mais aussi une clause de souveraineté : les Etats se sont gardés la possibilité de choisir d’examiner une demande d’asile même s’ils ne sont pas expressément responsables au titre du Règlement Dublin.
Ce système Dublin est décrié pour son inefficacité. D’une part, il ne tient pas compte du parcours ou des intentions du demandeur d’asile ; il ne tient pas compte non plus des disparités existantes entre les différents systèmes d’asile nationaux, au risque d’atteindre les droits fondamentaux du demandeur d’asile. D’autre part, il fait peser une charge plus importante sur les pays à la périphérie de l’Europe, les pays d’entrée qui ont déjà en charge le contrôle des frontières extérieures. Enfin, il ne concerne environ que 15% des demandes d’asile en Europe et les transferts effectifs sont proche de 5%.
La difficulté tient au fait que les Etats européens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un véritable outil de répartition des demandeurs d’asile dans cet Espace commun. Un outil qui serait équitable et solidaire. Alors, ils laissent le système Dublin produire des effets qui sont à la fois connus et contestés.