Suite à la “crise des réfugiés” de 2015, les Etats européens ont adopté des décisions visant à aider les États membres situés en première ligne. Ces décisions ont établi un système dit de relocalisation. Fondé sur le principe de la solidarité, la relocalisation avait pour objectif de permettre le transfert des demandeurs d’asile arrivés en Grèce et en Italie vers les autres Etats européens. Estelle d’Halluin, sociologue à l’Université de Nantes, détaille le fonctionnement de ce mécanisme de relocalisation et les modalités de sa mise en oeuvre qui n’ont pas toujours été optimales.
La relocalisation c’est le transfert de demandeurs d’asile d’un Etat membre de l’Union européenne, qui a la responsabilité de leur accueil, vers un autre Etat membre de l’Union européenne.
Ce transfert est organisé lorsqu’un ou plusieurs Etats font face à une arrivée importante de migrants qui les empêche de les accueillir correctement. Dans ces circonstances, en application du principe de solidarité, les autres Etats européens acceptent de relocaliser sur leur territoire les demandeurs d’asile.
Pour la 1e fois, la relocalisation a été mise en œuvre en septembre 2015 à la suite de ce que l’on a appelé « la crise des réfugiés ». Par deux décisions, les Etats européens ont accepté de se répartir l’accueil de 160 000 demandeurs d’asile principalement arrivés en Grèce et en Italie et d’examiner les demandes en lieu et place de ces deux Etats.
En pratique, les Etats ont dû s’entendre sur 3 éléments pour faire fonctionner la relocalisation.
La répartition des demandeurs d’asile par pays, tout d’abord. Elle s’est opérée en fonction d’une clé de répartition portant sur le produit intérieur brut, la taille de la population, le taux de chômage, le nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés réinstallés au cours des 4 dernières années. Ainsi, la France s’était engagée à admettre 19714 demandeurs d’asile, le Luxembourg 557.
Ensuite, il a fallu décider quels demandeurs d’asile seraient concernés par la relocalisation. Seuls les demandeurs d’asile pour lesquels le taux moyen de reconnaissance d’une protection internationale au sein de l’UE était supérieur à 75% pouvaient y prétendre, autrement dit les Syriens, les Érythréens, les Irakiens.
Enfin, pour atteindre leurs objectifs, les Etats européens ont développé des « hotspots », c’est-à-dire des lieux qui devaient permettre l’enregistrement et l’identification des nouveaux arrivés et leur orientation dans le processus de relocalisation.
Principalement installés sur les îles grecques et italiennes, ces hotspots ont souvent été transformés en camps ou centres fermés.
Quels résultats ? Sur les 160 000 relocalisations qui étaient prévues en septembre 2015, seuls 34 705 demandeurs d’asile ont aujourd’hui été relocalisés.
Alors comment expliquer ce qu’on peut qualifier d’un échec ?
D’une part, la mise en place du dispositif a été plus longue et plus difficile que prévu. De nombreux demandeurs d’asile ont continué leur route, n’ont pas été enregistrés et l’accès à certains hotspots a été tardif.
D’autre part, tous les Etats n’ont pas joué le jeu de la solidarité. Certains ont rempli leurs objectifs, d’autres n’y sont parvenus que partiellement et d’autres ont refusé de relocaliser un seul demandeur d’asile, la Pologne la Hongrie. Cette opposition a été par ailleurs la source d’une profonde division entre les Etats européens. Elle surtout montré les limites de la solidarité entre ces Etats.
Pour aller plus loin
Martina Tazzioli, The temporal borders of asylum. Temporality of control in the EU border regime, political geography, 64 (2018), p. 13-22