Les médias regorgent de chiffres sur les flux migratoires. Si ces nombres peuvent permettre de mieux comprendre le phénomène, Samuel Delépine de l’Université d’Angers nous rappelle qu’il y a chiffres et… chiffres. Ces derniers doivent être regardés avec précaution pour éviter de mauvaises interprétations. Mode d’emploi.
Comment regarder les chiffres de l’immigration ? Voilà un sujet sensible que celui de l’immigration et plus encore, celui de l’analyse des chiffres, des flux, des statistiques le concernant.
Tout d’abord, on parle très souvent de chiffres de l’immigration quand on pourrait considérer déjà les migrations au sens large mais aussi l’émigration à savoir les chiffres concernant les pays de départ.
Sujet sensible, on voit sur Internet, des tas de choses circuler « les vrais chiffres de l’immigration », « les chiffres clés de l’immigration »… Pour quel usage en fait ? Pour quelle action ?
Je voudrais prendre 2 exemples pour illustrer les interprétations différentes de ces chiffres qui concernent la France.
Le premier, c’est l’article paru en 2015 dans un grand quotidien français qui s’intitulait « La France 5ème pays de destination des migrants ». A la lecture de ce titre, au regard du graphique, on comprend que la France s’affiche dans le top 5 mondial de l’accueil des migrants. Or, il s’agissait d’un graphique issu des données de l’OCDE. L’OCDE ce n’est pas par définition l’ensemble des pays du monde. On pourrait donc très vite conclure au fait que la France accueille énormément de migrants. On parlait cette année là d’un peu plus de 250 000 personnes.
L’autre exemple, un autre graphique, une autre source, mais qui concerne les mêmes profils de migrants est issu de l’agence Eurostat nous dit que la France se classe 20ème sur les 28 pays de l’Union européenne en ce qui concerne le rapport entre population accueillie et nombre total d’habitants dans le pays. Soit loin derrière certains pays d’Europe centrale et orientale, pourtant bien connus pour leur rejet, leur non accueil des migrants.
On passe donc du tout au tout. On peut conclure dans un cas comme dans l’autre à un pays, la France, qui accueille beaucoup – « trop » diront certains – ou qui accueille peu – « pas assez » diront d’autres.
Et enfin pour conclure, il faut tout de même rappeler que derrière ces chiffres, derrière ces statistiques, derrière ces flux, on parle d’êtres humains, d’hommes, de femmes et d’enfants avant toute chose.